Bernard Lavilliers
LES POÈTES



Les poètes n'écrivent plus
Sur des plaquettes invisibles
On vissera au coin des rues
Pour faire la pige à l'intangible

Armés de curieuses bannières
Ils prennent les couleurs du temps
Et vont en desserrant les dents
Mordre les pieds des militaires

Les poètes ont des poings énormes
Pour faire éclater les sirops
Les pharmaciens du Renaudaux
Les apothicaire de la forme
Leurs yeux carrés sont des fenêtres
S'ouvrant sur la campagne bleue
Ils ne seront jamais sérieux
Et ne répondent pas aux lettres

Les poètes ne viennent plus
De l'aristocratique classe
De sérieux séniles cénacles
Du trou du fût du dernier cru

Ne marcheront plus dans les rues
Un soleil entre les oreilles
La tête en forme de corbeille
Et les doigts de pieds dans les dus

Les poètes jettent leurs stylos
Et puis dévorent leurs plaquettes
Et s'en vont jeter des fléchettes
Dans le cul de l'académie
Ils chantent avec les voix rouillées
Des images instantanées
Des roucoulements de vautours
En cassant le béton des cours

Leurs guitares internationales
S'envoient des accords dissonants
Et les mots qu'on y voit dedans
Jouent au poker sur les cymbales

Armés de curieuses bannières
Ils prennent les couleurs du temps
Et vont en desserrant les dents
Mordre les pieds des militaires


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