L'arrivée de l'enfant a été dure pour la mère.
Enfin il est là.
Bien portant, vigoureux.
Déjà il rue et il crie, il veut vivre.
Ses yeux sont bleus avec du vert dedans.
Et je le vois puissant, calme, raisonnable et surtout poli.
Car moi la politesse surtout dans la chicane m'a toujours étonné.
"Tirez les premiers, messieurs les Anglais",
Non, pas jusque là, mais un peu mousquetaire, bûcheron et poète.
Enfin, le fils est là.
Il lui reste à étudier, comparer, discuter les pensées dans les livres, les visages, les lunes, les voisins, les jardins,
À découvrir le fleuve, les milliers de soupirs qui font de la musique dans les marais de nuit pour les Bozo fragiles.
À chausser des patins, à nager sous les lacs, à filer vers la lune en français librement.
Il lui reste à se pencher sur celui qui demande, mais à se redresser devant celui qui donne, à ne rien accepter de facile, de gratuit.
Jamais oui, jamais non, plus souvent non que oui. Voilà comme je le vois.
Étudiant jusqu'au soir de sa vie, il couvrira ses petits-fils de lainage, de patience et d'humour, cette arme pour le voyage qui est la plus utile.
Il quittera sa maison ouatée de neige, gagnera ou les champs, ou le bureau, ou l'usine, exigera juste salaire, la tête haute, mais ne détruira rien.
Vandales et braconniers sont des profanateurs et méritent potence.
Il fera face au loup, dénoncera le fourbe.
Trop de temps, trop longtemps, la terre fut aux lâches, aux oisifs, aux tricheurs.
Qu'il la prenne, lui, mon fils, c'est à ton tour. Chacun son tour.
Elle est belle, elle est là, elle est sienne, et que la peur de vivre soit rayée à jamais.
Tu es chez toi, enfin, vis, goûte, savoure et chante.
Ne me remercie pas.
Que tu vives comble mes jours de joie.