Un carrosse embourbé,
Les attelages cassés,
Essayait de monter le fossé:
Les chevaux ne voulaient plus tirer,
Se lamentaient les pauvres cochers;
Le roi qui était dedans
Se dit intérieurement:
"C'est tant mieux, je suis content, car maintenant
Qui pourra m'empêcher de marcher?
Y'a si longtemps que je veux voir les champs!"
En sautant la clôture,
Il tomba dans les mûres
Et salit son pourpoint de satin;
Un vilain chien sans nom
Lui mordit le talon;
La nature, gênée, refusa de chanter...
"Continuez de chanter,
Mes amis les oiseaux,
Hélas! si vous connaissiez ma peine,
Vous vous installeriez
Sur ce grand merisier,
Vous chanteriez jusqu'à perdre haleine.
Je m'en vais au palais
Pour briser un complot
Qu'ont tramé dans mon dos mes sujets;
Vous, au moins, demeurez avec moi,
Ayez pitié de ceux qui sont rois!"
"Aujourd'hui dans ce pays
Il n'y a plus de roi
Ni de rue ni de toit, ni de rien;
Un grand souffle est venu
Qui a tout emporté...
Reste un homme au manteau troué.
Son manteau est troué
Mais son coeur est léger
Il s'en va dans les prés, seul à pied;
Son royaume à présent
C'est un petit toit de chaume
Et la terre lui est plus légère...