Ça fait cent longs hivers que j'use le même corps
J'ai eu cent ans hier, mais qu'est-ce qu'elle fait la mort
J'ai encore toute ma tête, elle est remplie de souvenirs
De gens que j'ai vus naître puis que j'ai vus mourir
J'ai tellement porté de deuils que j'en ai les idées noires
Je suis là que je me prépare, je choisis mon cercueil
Mais le docteur me répète, visite après visite
Que j'ai une santé parfaite, y est là qu'y me félicite
REFRAIN:
J'ai vu la Première guerre, le premier téléphone
Me voilà centenaire, mais bon, qu'est-ce que ça me donne
Les grands avions rugissent, y a une rayure au ciel
C'est comme si l'éternel m'avait rayée de sa liste
Ça fait cent longs hivers que j'use le même corps
J'ai eu cent ans hier, mais qu'est-ce qu'elle fait la mort
Qu'est-ce que j'ai pas fini qu'y faudrait que je finisse
Perdre un dernier ami enterrer mes petits-fils?
J'ai eu cent ans hier, ma place est plus ici
Elle est au cimetière, elle est au paradis
Si je méritais l'enfer, alors c'est réussi
Car je suis centenaire et je suis encore en vie
REFRAIN
Moi je suis née aux chandelles, j'ai grandi au charbon
Bien sûr que je me rappelle du tout premier néon
J'ai connu la grande crise, j'allais avoir 30 ans
J'ai connu les églises avec du monde dedans
Moi j'ai connu les chevaux et les planches à laver
Un fleuve tellement beau qu'on pouvait s'y baigner
Moi j'ai connu le soleil avant qu'y soit dangereux
Faut-il que je sois veille, venez me chercher, bon dieu
J'ai eu cent ans hier, c'est pas que j'ai pas prié
Mais ça aurait tout l'air que dieu m'a oubliée
Alors j'ai des gardiennes, que des nouveaux visages
Des amies de passage, payées à la semaine
Elles parlent un langage qui ne sera jamais le mien
Et ça me fait du chagrin d'avoir cinq fois leur âge
Et mille fois leur fatigue, immobile à ma fenêtre
Pendant qu'elles naviguent tranquilles sur Internet
REFRAIN
C'est vrai que j'attends la mort, mais c'est pas que je sois morbide
C'est que j'ai cent ans dans le corps et que je suis encore lucide
C'est que je suis avide mais qu'y a plus rien à mordre
C'est que mon passé déborde, et que mon avenir est vide
On montre à la télé des fusées qui décollent
Est-ce qu'on va m'expliquer ce qui me retient au sol
Je suis d'une autre école, j'appartiens à l'histoire
J'ai eu mes années folles, j'ai eu mes heures de gloire
J'ai eu un bon mari et quatre beaux enfants
Mais tout le monde est parti dormir au firmament
Il n'y a que moi qui veille, qui vis, qui vis encore
Je tombe de sommeil, mais qu'est-ce qu'elle fait la mort.