TU VIENS, CHÉRI!
Sur le port


MARIN 1:
Ça sent la femme, un parfum dans l'air.
Je vais jeter l'ancre dans cette terre hospitalière.

MARIN 2:
Je viens, chéries, sortez vos dentelles.
Quelques jours en mer, pour l'appétit, y'a rien de tel.

MARIN 3:
Elles touchent mon pompon et je monte au ciel.

PROSTITUÉES:
Tu viens, chéri! Je vais te faire voir:
C'est mieux qu'à Paris sous le tunnel de Saint-Lazare.
Tu viens, chéri! On est toujours prêtes:
Contre un mur ou sur un lit, on se met comme tu le souhaites.
Mais tu craches avant la galipette!

VIEILLE FEMME:
Viens là, ma chère! Fais voir ce joli collier.
Ce pendentif...

FANTINE:
Madame, voulez-vous l'acheter?

VIEILLE FEMME:
Ça vaut cinq sous.

FANTINE:
La chaîne toute seule en vaut quinze.

VIEILLE FEMME:
Je t'en donne dix;
Je ne veux plus discuter.
Allons, décide!

FANTINE:
Mon seul bijou!

VIEILLE FEMME:
Cesse de me suivre!

FANTINE:
Donnez-m'en douze!

VIEILLE FEMME:
Pas plus de dix!
Ma chère, il faut
Tous qu'on survive.

PROSTITUÉES:
Tu viens chéri! Qu'est-ce qu'on fait ce soir?
L'amour dans ton pieu, ou vite fait bien fait dans le noir?

PROSTITUÉE 1:
Une fille, deux filles, un heure ou un jour;
C'est toi qui choisis le menu de ta nuit d'amour

PROSTITUÉES:
Pour vingt sous, on fait l'aller-retour.

ACHETEUSE DE CHEVEUX:
Les beaux cheveux! Les jolies boucles que voilà!
Quelle chance tu as!
Ça vaut un bon prix, ma chère. Tu me les vends?

FANTINE:
Laissez-moi, allez-vous en!

ACHETEUSE DE CHEVEUX:
Réfléchis bien, je peux t'en donner dix francs.
Réfléchis bien!

FANTINE:
Ma pauvre tête!

ACHETEUSE DE CHEVEUX:
Réfléchis bien!

FANTINE:
C'est pour Cosette! Oui, coupez-les
Dix francs déjà pour la soigner...

SOUTENEUR:
Viens là, chérie! Et fais voir ta bourse.
Si tu me caches une passe, tu me rembourses ou je te tabasse.

PROSTITUÉE:
Tu viens, chérie!
Jolies, jolies
Filles à vendre!
Viens là, chérie!
Chacune à sa place.

PROSTITUÉE:
Pitié je te jure! C'est la crève que j'ai.
J'ai si mal au ventre, que j'arrive à peine à marcher.

SOUTENEUR:
Chérie va falloir que je te remplace.

C'est épouvantail, c'est quoi? Dis-moi un peu?

PROSTITUÉE 1:
C'est une paumée qui a vendu ses cheveux

PROSTITUÉE 3:
Elle a un gosse, lui envoie tout ce qu'elle peut.

SOUTENEUR:
Je savais bien: y'a toujours un bonhomme.
Tu viens, chérie! Viens te faire des copains.
Chérie, tu viens!

PROSTITUÉE 3:
Allez ma belle, viens là et pleure.
Tu t'es faite piéger comme tes soeurs.

PROSTITUÉE 2:
Nous on se couche pour une pièce de monnaie.

PROSTITUÉE 4:
Gagne ta vie

PROSTITUÉE 5:
En restant allongée.

PROSTITUÉE 4:
Allons ma belle, vends lui ton trésor.

PROSTITUÉE 3:
Allez ma belle, montre-lui d'abord!

PROSTITUÉES:
Les jeunes, les vioques, prends-les comme ils viennent.
On voit les loquedus, les plus tordus de la race humaine.
Les pauvres, les riches et même les seigneurs.
Tous, sans leur caleçon, perdent un petit peu de leur grandeur.
Tout ce qui compte, c'est qu'ils soient bons payeurs.

Tu viens, chéri! Avec un sourire,
On redit ces mots qui pour nous autres veulent plus rien dire.

FANTINE:
Tu viens, marin, garde tes souliers.
Et paye-toi une fille qui ne peut rien te refuser.
Tu viens, chéri! Je sombre en mon corps
Quand ils font jaillir en moi leur pitoyable effort.
Ils ne savent pas qu'ils font l'amour avec la mort.

Fantine, devenue fille publique, est humiliée par un client sans scrupules et est sur le point d'être jetée en prison par Javert, devenu inspecteur de police à Montreuil-sur-mer. Le maire intervient pour qu'elle soit conduite à l'hôpital et soignée. C'est alors qu'un chariot dont le cheval s'était emballé, se renverse sur l'un des habitants du village, Monsieur Fauchelevent.
Sous les yeux stupéfaits de Javert, seul le maire, monsieur Madeleine, parvient à déplacer le chariot et à sauver cet homme. Javert confie à monsieur Madeleine qu'il a connu dans le passé un bagnard d'une force comparable à la sienne, qu'il l'a poursuivi sans relâche au fil des années et que ce dernier vient d'être arrêté, est sur le point d'être jugé et sera, il en est sur, exécuté.



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