Mouloudji
JEAN MISÈRE
Paroles: Eugène Pottier, musique: V. Joannès Delorme, 1871


Décharné, de haillons vêtu
Fou de fièvre, au coin d'une impasse,
Jean Misère s'est abattu
Douleur, dit-il, n'es-tu pas lasse?

REFRAIN:
Ah mais! Ah mais!
Ça ne finira donc jamais?
Ah mais! Ah mais!
Ça ne finira donc jamais?

Pas un astre et pas un ami!
La place est déserte et perdue.
S'il faisait sec, j'aurais dormi,
Il pleut de la neige fondue.

REFRAIN

Est-ce la fin, mon vieux pavé?
Tu vois: ni gîte, ni pitance.
Ah, la poche au fiel a crevé.
Je voudrais vomir l'existence.

REFRAIN

Je fus bon ouvrier tailleur,
Vieux, que suis-je? Une loque immonde.
C'est l'histoire du travailleur,
Depuis que notre monde est monde.

REFRAIN

Maigre salaire et nul repos,
Il faut qu'on s'y fasse ou qu'on crève.
Bonnets carrés et chassepots
Ne se mettent jamais en grève.

REFRAIN

Malheur! Ils nous font la leçon,
Ils prêchent l'ordre et la famille:
La guerre a tué mon garçon,
Le luxe a débauché ma fille!

REFRAIN

De ces détrousseurs inhumains,
L'église bénit les sacoches
Et leur bon Dieu nous tient les mains
Pendant qu'on fouille dans nos poches.

REFRAIN

Un jour, le ciel s'est éclairé,
Le soleil a lui dans mon bouge.
J'ai pris l'arme d'un fédéré,
Et j'ai suivi le drapeau rouge.

REFRAIN

Mais, par mille, on nous coucha bas:
C'était sinistre au clair de lune.
Quand on m'a retiré du tas,
J'ai crié "Vive la Commune!"

REFRAIN

Adieu, martyrs de Satory!
Adieu, nos châteaux en Espagne!
Ah! Mourons... Ce monde est pourri.
On en sort comme on sort d'un bagne.

REFRAIN

A la morgue on coucha son corps.
Et tous les jours, dalles de pierre,
Vous étalez de nouveaux morts,
Les otages de la misère!

REFRAIN

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