Mort Shuman
MA VILLE Claude Lemesle - Mort Shuman, 1983
Depuis le temps qu'on se connaît, ma ville, ma prison, mon rempart,
Depuis le jour où, émigré, tu m'as pris dans tes murs, fragile,
Moi, je suis étranger et moi, je pars.
Depuis le temps que j'en connais des villes, chapelets de cités,
Tant de bateaux m'ont emporté dans des traversées inutiles,
Tu es mon dernier port avant la mort.
Ma ville, je t'aime, ma ville
Et même si tu te donnes à tout le monde,
Chacun est pourtant ton seul amant.
Ma ville, je t'aime, ma ville,
Poème de pavé, de boue et d'ombre,
Mon palais dont le prince est passant.
Rue de la Grande-Truanderie, Rue de la Plâtrière,
Rue Montorgueil, Rue Saint-Denis et Rue des Lavandières,
Vous êtes comme les prénoms de mon village aux cent églises grises
Rue Guy Catonne, Rue Pavée, Rue Marie-Égyptienne
Rue de la Parcheminerie, Rue du Four, Rue de Seine
Vous m'avez vu tout titubant tomber dans vos eaux sales
Pour regarder en m'endormant dans les yeux, les étoiles
Mais la vie, la vie toujours m'a réveillé, la gorge sèche et l'oeil lourd
Dans les premiers cris du matin, émerveillé, ??? ??? le rire d'une fille
Et le droit voudrait bien mes guenilles,
Dans tes ruelles, comme dans mes veines, le soleil à nouveau se promène.
Viens faire l'amour encore une fois, ma ville, dans les rayons naissant.
J'aurai tellement au fond de toi que plus tard, dans le coeur des filles,
Je serai vivant à la ??? le temps
Ma ville, je t'aime, ma ville
Et même si tu te donnes à tout le monde,
Chacun est pourtant ton seul amant.
Ma ville, je t'aime, ma ville,
Poème de pavé, de boue et d'ombres,
Mon palais dont le prince est passant.
Ma ville, ma ville, ma ville.