Riches ou pauvres quoi qu'on fasse sur la terre
Notre existence est une chose éphémère
Et des pendules le tic tac incessant
Semble nous dire "tout passe avec le temps"
Voici l'enfant qui vient de venir au monde
Sa mère penchée vers sa petite tête blonde
Vers la pendule placée près de son lit
Jette un regard et soucieuse se dit:
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marque les heures de la vie
Nos petits enfants si mignons, si gentils
Ne grandiraient pas pour déserter leur nid
Lorsqu'à vingt ans un jour ils se marient
Sans un regret, ils partent, et vous oublient
Et les mamans dont ils brisent l'espoir
Pensent: on voudrait près de soi toujours les avoir
Restez petits garçons ou petites filles
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Un malfaiteur, pour expier son crime
Est condamné au châtiment ultime
Dans sa cellule, il entend ses gardiens
Dire tout bas, "Ce sera pour demain"
Le lendemain il voit que l'aube se lève
Et ses idées se brouillent comme dans un rêve
Il est secoué de terreur et de remords
Et dit tremblant sentant venir la mort
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marque les heures de la vie
Je n'aurais peut-être pas lorsque sonnait minuit
Commis le crime dont je vais être puni
Il a suffit d'une fatale minute
Pour que d'un homme je devienne une brute
Mais quoi voici l'horloge de la prison
Qui sonne le glas de la séparation
Plus qu'un espoir, mon Dieu pour ma famille
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Dans les campagnes ainsi que dans les villes
Règne le calme, et chacun vit tranquille
Sans se douter qu'un orage gronde au loin
Pour bouleverser la paix du genre humain
Un peu partout, en Europe, en Afrique
Les noirs dessous de l'infâme politique
Sèment la guerre, horreur de tous les temps
Que nul ne peut arrêter et pourtant
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marque les heures de la vie
On entendrait plus le tocsin sonner
Pour enlever nos fils à leurs foyers
Quand à l'instant ou tous les bras travaillent
Quoi de plus triste que l'heure des batailles
Peut-être qu'un jour retrouvant sa raison
L'homme maudira la guerre et ses passions
Plus de tueries, ni d'hommes qui fusillent
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Tous emportés par l'effroyable ronde
Les années passent si vite pour tout le monde
Que l'on se dit: Pourquoi se jalouser
Se faire tant de mal au lieu de s'entraider
Deux pauvres vieux, usés, cassés par l'âge
Sentant venir l'heure de grand voyage
Encore unis, comme dans leur jeune temps
Dans un baiser, disent en s'enlaçant:
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marque les heures de la vie
Nous n'aurions pas la triste appréhension
D'entendre l'heure de la séparation
Après avoir passé toute une vie
A nous chérir sans aucune jalousie
Le coeur bien gros on ne devrai pas penser
Qu'un jour hélas, il faudra nous quitter
Vivons d'espoir, à quoi bon se faire tant de bile
Puisqu'on ne peut pas arrêter les aiguilles.