Berthe Sylva
DU GRIS Paroles: E. Dumont, musique: F. L. Benech
Hep! Monsieur, une cigarette!
Une cibiche, ça n'engage à rien,
Si je te plais, on fera la causette,
T'es gentil, t'a l'air d'un bon chien.
Tu se rais moche, ça serait la même chose,
Je te dirais quand même que t'es beau,
Pour avoir, t'en devines bien la cause,
Ce que je te de mande, une pipe, un mégot.
Ah, non! Pas l'anglaise, ni le bout doré,
Ces tabacs-là c'est du chiqué.
Du gris, que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est acre, comme du bois,
Ça vous soûle.
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût,
Dans la bouche.
Tu fumes pas, ben t'en a de la chance,
C'est que la vie, pour toi, c'est du velours,
Le tabac, c'est le baume de la souffrance,
Quand on fume, le fardeau est moins lourd.
Y'a l'alcool, me parle pas de cette bavarde,
Qui vous met la tête à l'envers,
La rouquine qu'était une pocharde,
À vendu son homme à Deibler.
C'est ma morphine, c'est ma coco,
Quoi? C'est mon vice à moi le perlo.
Du gris, que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est acre, comme du bois,
Ça vous soûle.
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût,
Dans la bouche.
Monsieur le docteur, c'est grave ma blessure?
Oui je comprends, y a plus d'espoir,
Le coupable, j'en sais rien je vous le jure,
C'est la rue, le métier, le trottoir.
Le coupable, au fait, je vais vous le dire,
C'est les femmes avec leur amour,
C'est le coeur qui se laisse séduire,
La misère qui dure nuit et jour.
Ah, et puis je m'en fous, te nez, donnez-moi,
Avant de mourir, une dernière fois,
Du gris, que dans mes pauvres doigts
Je roule
C'est bon, c'est fort, ça monte en moi,
Ça me soûle.
Je sens que mon âme s'en ira,
Moins farouche
Dans la fumée qui sortira
De ma bouche.