Berthe Sylva
LA RUE OÙ L'ON PASSE


Un homme éconduit par sa belle
Étant venu s'y pendre au seuil
Depuis ce jour l'humble ruelle
Semble avoir pris vraiment son deuil.
Car elle est là comme un reproche
Comme un témoin qui se souvient
Et le passant à son approche
Frémit toujours quand il y vient

C'est la rue où l'on passe
Sans jamais s'arrêter
Triste comme une impasse
Que nul ne vient hanter.
Oú le petit ruisseau
Avec son filet d'eau
Semble aussi se h'ter
Lorsqu'il y passe.
Jamais les amoureux
Dans ces coins ténébreux
N'oseront s'abriter
Les soirs où l'on s'enlace.
Et quand sonne minuit
Elle est seule en la nuit
Au banc de la cité.
C'est la rue où l'on passe.

Elle était belle, un peu fantasque
Mais disait tant de mots charmants
Ces mots pareils à quelque masque
Déguisant tous ses sentiments.
Entre ses mains d'enfant cruelle
Il ne fut plus que ce pantin
Qu'un jour au bout de sa ficelle
On trouva mort farce au destin.

C'est la rue où l'on passe
Sans jamais s'arrêter
Triste comme une impasse
Que nul ne vient hanter
Où le petit ruisseau
Avec son filet d'eau
Semble aussi se h'ter
Lorsqu'il y passe
Jamais les amoureux
Dans ses coins ténébreux
N'oseront s'abriter
Les soirs où l'on s'enlace
Et quand sonne minuit
Elle est seule en la nuit
Au banc de la cité
C'est la rue où l'on passe

C'est la rue où l'on passe


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