Anne Sylvestre
CIDRE POMME


L'ai rencontré sous un pommier,
M'a aidé à cueillir mes pommes
Puis il m'a porté mon panier
Jusque chez moi. Ensuite,
Comme il avait soif, il est entré.
Lors il s'est d'un air très bonhomme
De mes lèvres désaltéré,
Disant que je sentais la pomme.
Que tu as les dents pointues!
On a beau être placide,
Cette pomme-là, que veux-tu,
Tu n'en feras pas de cidre.

Il est monté dans le grenier
Pour m'aider à ranger mes pommes.
Puis sans relâche a travaillé
Une heure ou deux. Ensuite, comme
Il avait faim, m'a dit: "Viens là,
Moi, j'aime bien la tarte aux pommes."
Il a voulu se servir déjà
Sans attendre que j'aie cuit les pommes.
Tu peux cueillir au pommier,
Mais pas sur moi. Bas les pattes!
Ces pommes-là, je peux le jurer,
Tu n'en feras pas de tartes.

Il est resté trois jours entiers
Ne se nourrissant que de pommes.
Puis il a cassé le compotier
En s'écriant: "Je suis un homme!"
Il avait de plus en plus faim,
L'a bien fallu croquer la pomme,
Encore heureux que les pépins
Ne soient pas dans toutes les pommes.
C'est ce que tu voulais, tant pis,
Mais moi je suis en compte,
Pomme reinette et pomme d'api,
Pomme cuite en quelque sorte.


À la page des textes d'Anne Sylvestre
À la page des textes