Quand Marie passait seulette,
Oh! comme on la regardait!
Quand Marie passait simplette,
Sans rubans et sans apprêts,
Les crétins devant leur verre,
Les chipies à leur carreau
Qui jugeraient la terre entière,
Qui voient pas ce qui est beau,
Disaient: "Elle fait sa fière,
Marie qui ne compte pas,
Marie taillée à la serpe,
Marie au visage ingrat. "
Et Marie disait le soir
À Clément, à son espoir:
"Dis-moi ce qu'ils me trouvent,
Qui ne leur plaît pas.
Dis-moi ce qu'ils me trouvent,
Qu'ils ne me trouvent pas.
Qu'ils aillent demander à ma mère
De quelle peau elle m'a cousue.
Qu'ils aillent demander à mon père
De quel amour il m'a voulue.
Et à ma fille, à Maïté,
Si je suis pas la plus douce à embrasser."
Et Marie, devant sa glace,
Se disait à demi-voix:
"Je peux me regarder en face,
J'aime bien ce que je vois.
J'ai tant au long de ma vie
Cherché la beauté que, si
J'étais pas un peu jolie,
Je serais déjà plus ici.
J'ai pourtant la peau si douce,
J'ai pourtant les plus beaux yeux
Qu'on ait vu de mémoire de source,
De mémoire d'amoureux."
Et Marie disait toujours
À Clément, à son amour:
"Dis-moi ce qu'ils me trouvent,
Qui ne leur plaît pas.
Dis-moi ce qu'ils me trouvent,
Ce qu'ils ne me trouvent pas.
Qu'ils aillent demander à ma mère
De quelle soie elle m'a tricotée.
Qu'ils aillent demander à mon père
De quelle tendresse il m'a parée,
Et à ma fille, à Maïté,
Si je suis pas la plus douce à embrasser.
Et Marie, la toute fière,
Se disait d'un ton bien las:
"Quelle serpe a pu me faire
Ce visage et ces mains-là?
S'ils ne peuvent pas comprendre,
Qu'au moins, ils ne disent rien.
Je suis femme et je suis tendre.
Certains s'en souviennent bien.
Et si l'amour se rappelle
Autant que je l'aime, moi,
Il faut bien que je sois belle,
Sinon je ne vivrais pas.
Et lui répondit Clément
En cherchant ses mots longtemps:
"Je sais pas ce qu'ils te trouvent
Qui ne leur plaît pas.
Je sais pas ce qu'ils te trouvent.
Moi, je ne trouve pas.
Je sais que le jour où je t'ai vue,
J'ai eu envie de te garder,
Que le jour où je t'ai connue,
Moi, ma maison, je t'ai tout donné
Et que pour moi, pour Maïté,
T'es toujours la plus douce à embrasser.
Tu restes la plus douce à embrasser.