Anne Sylvestre
QUATRE SAISONS


Vous êtes venu au printemps
Avec un coeur verni, avec du miel dedans.
Moi, j'allais par les sentiers
Avec un oiseau bleu dans mon coeur d'osier.
Et j'avais bien mieux à faire
Que d'écouter vos prières.
Avec les gars du hameau,
Nous allions tremper nos pieds dans l'eau.
Avec les gars de par ici,
Nous allions y noyer nos soucis.

Quand l'été fila son or,
Votre amour vint mettre le nez dehors,
Mais c'était la fenaison.
Mon coeur ne souffrait point tant d'oraisons
Et j'avais bien mieux à faire
Que de paître vos chimères.
Avec les gars du canton
Nous aimions bêler avec nos moutons.
Avec les gars de la Saint-Jean
Nous sautions les feux légèrement.

Puis l'automne a tournoyé
Votre coeur bien lourd comme nos noyers.
Pour courir le guilledou,
J'allais au pressoir boire le vin doux
Et j'avais bien mieux à faire
Que de sécher vos bruyères.
Avec les gars, mes voisins,
Nous allions cueillir les beaux raisins.
Avec les gars du pays,
Nous craquions les feuilles dans les taillis.

C'est l'hiver et vous partez
Avec un coeur meurtri, avec un coeur glacé.
Je n'ai plus mon oiseau bleu,
Je n'ai plus besoin que d'un peu de feu.
Je ne vois rien de plus sage
Que de vous barrer le passage.
Si les gars viennent sonner,
Nous leur fermerons la porte au nez.
Vous serez mon feu de joie
Et si je m'y brûle, tant mieux pour moi.


À la page des textes d'Anne Sylvestre
À la page des textes