Vous aviez, ma belle,
Les plus beaux mollets du canton.
Vous aviez, ma belle,
Les plus beaux jupons.
Vous aviez, ma belle,
Les faveurs de tous les garçons.
Vous étiez, ma belle,
Leur plus beau fleuron.
Pour entrer dans leur confrérie
Il fallait vous avoir
Pendant une journée servie
Et la nuit sans déchoir,
Et quand vous entriez en danse,
Les jeunes cavaliers
Se disputaient longtemps la chance
De vous faire tourbillonner.
Vous aviez, princesse,
Les plus jolis pieds du hameau
Pour botter les fesses
De tous ces lourdauds.
Vous aviez, princesse,
Des mains dont la paume et le dos
Donnaient des caresses
Fraîches comme l'eau.
On vous connaissait à la ronde
Et l'on venait de loin
Pour admirer votre façon
De passer de main en main.
Pourtant, ce qui arrive aux filles
Vous arrivait aussi:
Chargée de nombreuse famille,
Vous attendiez en vain le mari.
Vous aviez, ma belle,
Les plus beaux enfants du canton,
Belle ribambelle
Portant votre nom.
Peut-être, ma belle,
Avez-vous encore l'intention
D'agrandir, ma belle,
Votre collection.
Mais je crois pourtant que les hommes
Pourraient bientôt manquer
Et surtout pour qui en consomme
Autant dans une année.
Ne craignez pas qu'on vous accable,
Ne craignez pas non plus
Qu'on vous refuse notre table.
Quant au lit, c'est déjà résolu.
Vous eûtes, cousine,
Tous les plus beaux gars du pays,
Devenus, cousine,
De forts bons maris:
Celui de Valentine,
Celui de Rose et celui de Julie,
Celui de Joséphine
Et le mien, pardi!
Vos enfants ont des petits frères
Au sein de nos foyers.
Faudrait être bien rancunière
Pour pas les y inviter,
Car nous ne vous en voulons mie,
Nous l'avons pas volé.
Quand vous étiez la plus jolie,
N'avons rien fait pour vous ressembler.
Nous étions, ma belle,
Déjà bêtes et nous le restons.
Vous êtes si belle
Que nous vous aimons.
Restez-le, ma belle,
Et jamais nous ne changerons.
Si vous restez belle,
Bêtes nous resterons.