Henri Tachan
GOUPIL


Renardeau, mon frangin,
On est dans le même pétrin,
Cernés de chiens et de chasseurs,
Renardeau, mon cousin,
Je te tiendrai la main,
La patte, jusqu'à la dernière heure,
On était partis de bonne foi,
Toi, du terrier, moi, de mon toit,
Avec chaleur,
Au devant des fous et des rois,
Devant nos congénères, ma foi,
De tout notre coeur

Ta vie,
On te la joue à face ou pile,
Pardi,
On est poète ou imbécile,
Je veux dire
Qu'on est Ysengrin ou Goupil

Renardeau, mon fiston,
Dans ton joli veston,
Ta queue de pie de flammes rousses,
T'allume des incendies
A travers les orties
Et les tapis de tendre mousse,
Et les culs-terreux, fous de rage,
T'accusent de porter la rage
De par la France,
Comme si la beauté, aujourd'hui,
Ça méritait d'être puni,
Pour indécence

Ta vie,
On te la joue à face ou pile,
Pardi,
On est poète ou imbécile,
Je veux dire
Qu'on est Ysengrin ou Goupil

Renardeau, mon ti-frère,
Rendez-vous en enfer,
L'enfer des bêtes indociles,
Laissons monter là-haut
Les crotales, les cabots,
Au paradis des crocodiles,
Pour trois volailles dérobées,
Quelques oeufs fraîchement gobés,
Ils te poursuivent,
Comme si les renards, soudainement,
Ça devait bouffer plus que du chiendent
Ou des olives

Ta vie,
On te la joue à face ou pile,
Pardi,
On est poète ou imbécile,
Je veux dire
Qu'on est Ysengrin ou Goupil

Renardeau, réfugié
Au fond de ton terrier,
Auprès de ta douce Hermeline,
Près de celle qui t'attend,
Que tu lèches longtemps,
Ta princesse, ton orpheline,
Loin de ce monde de faux-culs
Qui ne pense qu'à te tirer dessus,
Vaille que vaille,
Endors-toi et fais de beaux rêves,
Avant que toi et moi, on crève
Sous leur mitraille

Notre vie,
On nous la joue à face ou pile,
Pardi
On est poète ou imbécile,
Je veux dire
Qu'on est Ysengrin ou Goupil!


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