Henri Tachan
MA MÈRE


Ma mère,
Pourquoi ne m'as-tu jamais donné
Le câlin chaud, le gros baiser
Qui vient du fin fond des entrailles?
Pourquoi, d'un air paisible et doux,
N'as-tu pas demandé au loup,
Au croquemitaine, qu'ils s'en aillent?
Tu sais, je me retrouve aujourd'hui,
A trente sept ans, toutes les nuits,
Encore privé de tes caresses,
J'ai pas de mandé à voir le jour
C'est les parents qui font l'amour
Et les mères qui font les grossesses...

Ma mère,
Tu ne m'as sûrement pas voulu
Mais j'étais là, fragile et nu,
Les bras tendus comme des branches,
Un enfant a besoin de tout,
De feuilles mortes et de toutous,
Et de tendresse et de dimanches...
Ah! ces dimanches, auprès de toi,
A mon retour de l'internat,
Dieu! que la semaine était lente
J'aurais voulu que tu me serres
Tout contre toi, tu sais, ma mère,
Et qu'on rie tous deux, et qu'on chante

Ma mère,
Comme d'autres, tu avais tes problèmes,
Ça doit pas empêcher qu'on s'aime,
Qu'on ait de l'amour à revendre,
De l'amour, j'en avais des tonnes
Bloquées au niveau du sternum,
Et Puis des envies de me pendre
Tu sais, je me retrouve aujourd'hui
Devant les gens, devant la vie,
Recroquevillé dans ma peur,
Et quand on se rencontre un instant,
On parle de la pluie et du temps
Avec, entre nous, la pudeur

Ma mère,
Si j'ai fait cette petite chanson
C'est que ça ne tournait pas rond
Dans ma poitrine, c'est que je t'aime,
Le prochain jour que l'on se voit
Approche-toi plus près de moi
Tu sais, je ne mords pas quand même
Il nous reste si peu de temps
Pour rattraper les heures d'antan,
Avant que la mort ne nous prenne,
Pourquoi ne pas boire tous les deux
Là ou boivent les gens heureux,
Ensemble à la même fontaine?

Pourquoi ne pas boire tous les deux
Là ou boivent les gens heureux,
Ensemble à la même fontaine


À la page des textes d'Henri Tachan
À la page des textes