Boris Vian
LES JOYEUX BOUCHERS


C'est le tango des bouchers de la Villette
C'est le tango des tueurs des abattoirs
Venez cueillir la fraise et l'amourette
Et boire du sang avant qu'il soit tout noir

Faut que ça saigne
Faut que les gens aient à bouffer
Faut que les gros puissent se goinfrer
Faut que les petits puissent engraisser
Faut que ça saigne
Faut que les mandataires aux halles
Puissent s'en fourrer plein la dalle
Du filet à huit cents balles
Faut que ça saigne
Faut que les peaux se fassent tanner
Faut que les pieds se fassent panner
Que les tête aillent mariner
Faut que ça saigne
Faut avaler de la barbaque
Pour être bien gras quand on claque
Et nourrir des vers comaques
Faut que ça saigne
Bien fort!

C'est le tango des joyeux militaires
Des gais vainqueurs de partout et d'ailleurs
C'est le tango des fameux va-t'en guerre
C'est le tango de tous les fossoyeurs

Faut que ça saigne
Appuie sur la baïonnette
Faut que ça rentre ou bien que ça pète
Sinon t'auras une grosse tête
Faut que ça saigne
Démolis-en quelques-uns
Tant pis si c'est des cousins
Fais-leur sortir le raisin
Faut que ça saigne
Si c'est pas toi qui les crèves
Les copains prendront la relève
Et tu joueras la Vie brève
Faut que ça saigne
Demain ça sera ton tour
Demain ça sera ton jour
Plus de bonhomme et plus d'amour

Tiens! voilà du boudin! voilà du boudin!
Voilà du boudin!


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