Boris Vian
LE PRISONNIER


Un soldat se traînait sur la route
Les deux poignets liés
Un soldat se traînait sur la route
Avec ses vieux souliers
Tout le long de la ville
Il y avait des veuves
En le voyant si triste
Se mettent à pleurer
Marche, brave soldat, marche
Sur la route, marche
Ils t'ont fait prisonnier

Ils l'ont mis dans une forteresse
Les deux poignets liés
Ils l'ont mis dans une forteresse
Accroché par les pieds
Des hommes sont venus
Des lames affilées
Le sang sur sa peau nu
Commence à ruisseler
Parle, brave soldat, parle
Il faut que tu parles
Car tu es prisonnier

Si je dis ce que je ne veux dire
Je pourrai m'en aller
Si je dis ce que je ne veux dire
Ils vont me libérer
Mais si je veux me taire
Jamais ne reverrai
Ma femme ni ma mère
Et mes enfantelets
Pleure, brave soldat, pleure
Il faut que tu pleures
Comme les prisonniers

Quand il eut vendu ses camarades
On l'a laissé aller
Quand il eut vendu ses camarades
On l'a laissé aller
Portant sa pauvre honte
Son pauvre corps blessé
S'en alla sur la route
Avec ses vieux souliers
Marche, brave soldat, marche
Sur la route, marche
Car ils t'ont libéré

Quand il est rentré dans sa demeure
Le temps avait coulé
Quand il est rentré dans sa demeure
Une lettre il a trouvé
Pardonne-moi, mon homme
On ne peut pas toujours
Coucher avec un rêve
Et se passer d'amour
Crève, brave soldat, crève
Mieux vaut que tu crèves
On ira t'enterrer...


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