J'abdiquerai un jour car c'est irréversible
Je tomberai de haut étant déjà la cible
De cette dame en noire qui promène une faux
N'étant pas fils de roi je n'ai pas sur la Terre
Reçu comme il se doit la charge héréditaire
Que léguaient les altesses à leurs tristes marmots
C'est au son du canon qu'ils entraient dans l'histoire
Moi c'est par mes chansons que je mendié la gloire
Sur des scènes glorieuses ou de simple tréteaux
M'appropriant heureux nombre de territoires
Avec ma voix brisée face à mon auditoire
Paralysé de trac et armé d'un micro
Bien sûr ce fut très long étant optimiste
J'étais certain qu'un jour je deviendrais l'artiste
Reconnu de ses pairs et comblé de bravos
Le pire et le meilleur j'en fait mon affaire
Et s'il me reste encore un beau spectacle à faire
Un bel enterrement flatterait mon égo
J'abdiquerai un jour comme ont fait les monarques
Qui ont laissé des traces et imprimé leurs marques
Au prix du sang versé par de pauvres héros
Face à cet ennemi qui tournera ma page
Que l'on nomme vieillesse et que j'appelle l'âge
Je fermerai les yeux sur mon dernier rideau
J'accepterai mon sort car je ne vois guère
Contre la dame en noire déclarer une guerre
Que cette pute immonde n'a jamais perdue
Car c'est lot commun que l'on soit pauvre ou riche
Le temps décolle un jour les dernières affiches
Qui égaient les colonnes et les murs de nos rues
Adieu à son public c'est adieu aux armes
Dernière apparition qui provoque des larmes
A l'heure ou l'on s'en va poignardé de regrets
Avec la gorge sèche et le regard humide
Un regard d'amoureux sur une salle vide
C'est seul et déchiré qu'un jour j'abdiquerai
Mais avant de partir de moins je subodore
Qu'ils me faudra donner quelques spectacles encore
Pour clamer haut et fort que je pars sans retour
Quand coeur et voix brisés accablés de souffrance
L'oeil triste j'offrirai l'ultime performance
De ma vie encombrée de tendresse et d'amour
Trois ou quatre ans d'adieux c'est à peu près j'estime
Ce qu'il me faut donner comme soirée ultime
Avant de recevoir dernière distinction
Ce grand César d'honneur qui me remplira d'aise
Qu'est déjà un visa pour le Père-Lachaise
Que m'offrira debout toute la profession
Dans une chaleureuse et ultime ovation.